mercredi 25 mars 2015

Assurer ses gains...

Sur le papier, l’idée semble bonne pour flécher l’épargne des particuliers vers l’économie réelle et offrir en échange un rendement boosté. Mais que l’accouchement aura été long ! Proposé en avril 2013 dans le rapport des députés Karine Berger et Dominique Lefebvre, le décret instituant les fonds eurocroissance n’a été publié qu’en septembre 2014. Depuis, le secteur financier s’est hâté très lentement pour créer ces nouveaux produits, puisqu’il n’en existe pour l’instant que cinq.


Une garantie, mais à terme

A mi-chemin entre le fonds en euros classique et les unités de compte dans les contrats d’assurance-vie, les fonds eurocroissance proposent une garantie en capital à l’assuré, mais uniquement à l’échéance, c’est-à-dire au moins huit ans. Entre-temps, l’argent investi reste disponible, comme sur tout contrat d’assurance-vie, mais soumis aux aléas boursiers. "Ce n’est pas vraiment un problème, car dans les faits, la majorité des assurés n’utilise pas la garantie permanente", constate Benoît Gommard, responsable de la stratégie clients de BNP Paribas Cardif.

Ces fonds s’adressent surtout aux assurés de contrats monosupport en euros – qui offrent une garantie permanente du capital –, pas encore passés aux unités de compte, qui restent largement majoritaires en France, puisque les fonds euros représentent encore 85% de l’encours total de l’assurance-vie (1.500 milliards d’euros).

En échange de l’abandon de cette garantie, l’assuré peut espérer un meilleur rendement de son capital à l’échéance. Pour y parvenir, l’assureur va investir une partie de l’épargne en produits obligataires sûrs et une partie en produits de diversification plus volatils (actions, immobilier, et même des titres non cotés) et plus rentables.

En clé de voûte, la durée

Plus l’échéance fixée par le client est éloignée, plus la diversification est importante au début, et donc augmente le potentiel de performance du fonds. "Nous conseillons une durée moyenne de douze ans pour que la part consacrée à la diversification puisse jouer son rôle et dynamiser l’espérance de performance qui est environ de 1 point de plus que le fonds en euros", estime Jean-François Dupouy, directeur de la clientèle patrimoniale de Predica, qui commercialise les contrats du Crédit agricole et de LCL.

La notion de durée semble être la clé de voûte de ces fonds, au point que l’Agipi a intégré l’eurocroissance à son contrat Madelin : "Après réflexion, nous avons décidé de le proposer en produit retraite plutôt qu’en produit d’épargne classique", explique Valéry Jost, délégué général de l’Agipi, association d’épargnants proche d’Axa.

Pas d’effet cliquet

Epargne longue oblige, il faudra attendre quelques années pour voir si les résultats sont probants. Les débuts sont néanmoins encourageants : en octobre 2010 et avril 2012, BNP Paribas avait lancé deux contrats eurodiversifiés, devenus depuis eurocroissance. Ils affichent des performances annualisées de respectivement 6,05 et 8,92%. Attention, contrairement aux fonds en euros, il n’y a pas d’effet cliquet qui garantit les gains chaque année.

Pour les épargnants prêts à plus de risques, le législateur prévoit la possibilité que le fonds n’offre qu’une garantie partielle du capital à l’échéance (80%) en échange d’une plus grande diversification, ce qu’on appelle des fonds croissance. "Nous avons préféré nous concentrer pour l’instant sur l’eurocroissance et la garantie du capital pour ne pas embrouiller les épargnants", déclare toutefois Benoît Gommard.

Tous les clients n’ont pas accès aux fonds croissance ou eurocroissance : ils sont proposés uniquement dans les contrats luxueux. Dans les réseaux Crédit agricole et LCL, et à Generali, qui dispose pourtant d’une large gamme, le fonds eurocroissance n’est disponible que dans le contrat commercialisé par les conseillers en gestion de patrimoine indépendants (CGPI) : "Ils sont les plus adaptés : au contact des clients, ils peuvent leur expliquer le fonctionnement du fonds et l’adapter à leurs objectifs", explique Sonia Fendler, en charge de la clientèle patrimoniale à Generali.

Tous les établissements annoncent dès à présent un succès auprès de leurs premiers clients et prévoient de l’étendre à d’autres contrats. Excepté BNP Paribas, qui propose déjà l’eurocroissance dans sa banque privée et ses réseaux de CGP, et, dans son contrat grand public, sans minimum de souscription. La banque a déjà 90.000 clients, en partie grâce à la conversion des anciens contrats eurodiversifiés en eurocroissance.

Multiplication de l’offre

Après un démarrage un peu poussif à cause des contraintes techniques et réglementaires qu’imposent ces nouveaux fonds aux assureurs, les contrats vont se multiplier dans les mois qui viennent. L’Afer et AG2R La Mondiale vont lancer des fonds d’ici l’été, et d’autres vont suivre pour répondre à la demande de clients à la recherche de rendement. Car, dans l’environnement actuel de taux d’intérêt au plus bas, les rendements des fonds en euros vont continuer de s’éroder année après année : la performance annuelle moyenne des contrats est passée de 4,4% en 2004 à 2,5% pour 2014. Reste aux assureurs à tenir leur promesse : obtenir avec ces eurocroissance des rentabilités significativement supérieures à celles de leurs contrats en euros.

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